Une vieille
deux chevaux fourgonnette citroën 1968 roucoule dans la nuit sur une vieille route de terre qui serpente dans le sombre bois
Fatalis. Les faisceaux des phares peinent à percer l'épais brouillard de l'arrière-pays
latvérien.
La Nouvelle-Latvérie, autrefois surnommé
Le Joyau des Balkan, semble ne jamais avoir autant mérité son nom que sous le règne de son monarque, le singulier
Victor von Fatalis. Malgré son passé sombre et sa politique actuelle d'autarcie protectionniste, c'est désormais un état d'apparence moderne, à la technologie de pointe et à l'économie florissante dont la capitale,
Doomstadt, est l'extraordinaire vitrine devant le reste du monde. Néanmoins le vieux pays de moyenne montagne, hanté par des légendes terrifiantes, reste l'un des plus inaccessibles qui soit, et cache de nombreux lieux reculés où l'on ne s'aventure qu'à grands périls.
La fourgonnette finit par sortir de la forêt profonde pour s'engager dans un petit village rustique noyé dans la brume jusqu'à une antique auberge de campagne. Elle s'arrête dans la cour. Les phares s'éteignent puis le moteur s'arrête. La portière conducteur s'ouvre pour laisser descendre un personnage singulier plus effrayant encore que l'endroit lui-même. La suspension soulagé de son poids relève la voiture de vingt bon centimètres.
L'homme n'est pas de très grande taille mais il est énorme, avec des épaules larges, des membres lourds et de grosses mains d'étrangleurs qui dépassent des manches de son épaisse vareuse noire en toile cirée.
Son visage massif est dissimulé dans l'ombre d'un chapeau rond à large bord de sinistre réputation dans la région : c'est le couvre-chef traditionnel des croque-morts.
La mort est un sujet toujours sensible en
Latvérie et peu de vrai latvérien s'abaisserait, même pour un bon salaire, à transporter des cadavres sur les routes de leur pays. Ce sont donc généralement des étrangers qui portent le
chapeau.
Le colosse pousse la lourde porte en bois de l'auberge qui laisse filtrer une lumière fauve et des bruits de conversation qui coupent net. Il entre dans un silence pesant et referme derrière lui. La petite salle commune, éclairé par un énorme feu de cheminée ronflant, est meublé de seulement 4 tables autour desquels se serrent une dizaine d'individus patibulaires. Ses grosses chaussures martèlent lourdement le plancher pour l'amener au comptoir.
Laconiquement il demande avec un accent slave d'origine indéfinissable mais dans un parfait latvérien :
L'aubergiste, un imposant moustachu ventripotent, attrape un verre sous le comptoir et une bouteille de gnole artisanale derrière lui. Il sert le croque-mort qui le remercie d'une voix sombre :
Le nouveau venu vide son verre cul sec. Les conversations reprennent.